28 mars 2019

Le Porteur d'Histoire, une épopée à cinq voix







Si vous avez lu cet article, celui-ci ou même celui-là, vous n'êtes pas passé à côté de l'énorme coup de cœur qu'Edmond a été pour moi. Au point de me décider à aller voir Le Porteur d'histoire, une pièce du même créateur, Alexis Michalik. Si cette fois je n'ai pas versé de larmes, l'amoureuse de la littérature que je suis a reçu le message en plein cœur. 






    Après avoir rendu hommage à Edmond Rostand et son Cyrano, c'est vers Dumas que Michalik se tourne, et plus largement vers tous les écrivains qui ont mis leur imagination et leur art de la plume au service des lecteurs. Le lever de rideau m'a fait brusquement douter, avec un effet théâtre moderne vaguement abstrait : cinq comédiens en pantalon noir et tshirt blanc assis sur des tabourets. Mais quand celui qui sera le fil rouge de la pièce se lève et commence à parler, le charme se met en place. Les tableaux se succèdent, s'entremêlent, la magie opère. Une heure et demi suspendus aux lèvres de "Martin Martin" tandis qu'il narre son épopée. Une épopée qui remonte à travers des œuvres d'art, livres et tableaux, à travers des légendes, et à travers l'histoire. L'antiquité, le moyen âge, la révolution française, la guerre d'Algérie, les époques se mélangent autour de la généalogie romanesque d'une famille française. 

    Avant de prendre mes places, j'ai longtemps cherché un résumé, quelques lignes autres que le pitch officiel pour me faire une idée de ce à quoi j'allais assister : mission impossible. Et maintenant que j'ai vu la pièce, je comprends pourquoi. Impossible de résumer en quelques phrases la multitude de lignes narratives, impossible de présenter brièvement les dizaines de personnages qui se croisent, impossible de schématiser les vies qui se rejoignent, se croisent et se confondent, impossible de rendre justice à ce formidable ensemble en moins de temps qu'il faut pour le jouer. 

    Mais on part sur un principe de mise en abîme - un personnage qui raconte son histoire, dans laquelle il va découvrir l'histoire d'une femme qui cherche  à s'inscrire dans l'Histoire, pour finalement rejoindre l'histoire des auditeurs du premier narrateur. Oui, c'est confus. Martin Martin se promène dans le désert algérien, où il rencontre deux femmes, à qui il demande l'hospitalité en échange de leur raconter son histoire. Il narre alors la découverte qu'il fit plusieurs décennies auparavant au décès de son père : des carnets de voyage d'une jeune femme dont le nom de famille est une légende parmi toutes celles qui hante l'Histoire de France. Et entraîne les deux Algériennes dans une épopée où le trésor des Templiers résonne avec un tableau de Delacroix, où la guerre d'Algérie est liée au chef d'oeuvre de Dumas, Le Comte de Monte Cristo

    Les comédiens changent de personnage comme de costume, cinq tabourets virevoltent pour former autant de décors que d'époque. On voyage du désert aux salons littéraires et politique du XIXe siècle, en passant par une voiture sous l'orage des Ardennes, juste par la force d'imagination et le jeu impeccablement précis des cinq acteurs. Et dominant l'ensemble, un immense tableau noir occupe le fond de la scène et se couvre au fur et à mesure d'inscriptions à la craie. Des dates, des lieux, des noms, des citations, qui se mélangent et se retrouvent brusquement liés par l'histoire. La mise en scène est complétée par un fond musical quasi constant (seul petit bémol à mon oreille de spectatrice du dernier rang qui a bien noté la baisse de décibels des comédiens après une heure à s'égosiller) et par quelques jeux de lumières bien orchestrés, qui maintiennent la magie des changement de décors sans tenter de les masquer en prenant le spectateur pour une quiche au fromage. 

    Que dire de plus ? Que c'était un plaisir de pouvoir croiser les comédiens à la sortie du théâtre, histoire de les remercier d'avoir porté avec autant de poésie et de passion cette pièce exceptionnelle. Et qu'en attendant le retour du Cercle des illusionistes cet été, j'irai sans doute voir Intra Muros, pour pouvoir crânement affirmer que j'ai vu toutes les pièces de Michalik encore jouées. 

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