Prendre le
métro. Ni pour la première, ni pour la dernière fois. Descendre dans les
couloirs, longer les murs au milieu des affiches colorées. Trouver le bon quai.
Et, les yeux
rivés sur ces chiffres lumineux, attendre.
Puis laisser
dériver mon regard autour de moi. Il y a ce couple avec ses valises et ses
billets de train à la main. Et cette fille, blonde, les écouteurs bien en
place, qui avance presque en dansant, les yeux à demi fermés, ses lèvres
esquissant malgré elle les paroles qui résonnent dans sa tête. Elle vit comme
dans une comédie musicale.
Sa bonne
humeur fait monter les sourcils et les remarques ironiques. Je la trouve
parfaite.
Le bruit des
wagons couvre la mélodie qui l’entraîne et déjà les portes s’ouvrent dans un
claquement. Merci de laisser descendre avant de monter. La marche est haute, il
n’y a pas de place.
Sauf là.
A côté de
lui.
Il est
appuyé contre l’autre porte, celle qui n’ouvre jamais. A ses pieds, un sac
militaire. Dans ses mains, un livre.
S’appuyer
dans le coin, sortir ma liseuse. Jeter un coup d’œil sur les pages jaunies et
cornées. Un livre inconnu. Il en est bientôt à la fin. En guise de marque page,
glissés contre la couverture, un billet de train pour Marseille. Ses yeux s’égarent
vers moi, un sourire semblable au mien se dessine sur ses lèvres.
Reconnaître
un lecteur.
J’incline
légèrement mon écran, mais sur une Kobo le titre ne s’affiche pas, et je lis en
anglais. Le métro s’arrête déjà à la station suivante. Les mots défilent devant
moi et je me laisse absorber. Quelqu’un commence à chanter. Une belle voix, un
ténor qui reprend un opéra en italien à l’autre bout de la rame. Je le cherche
du regard, et le lecteur aussi. Nous baissons ensemble les yeux sur nos livres
respectifs. De la belle musique pour accompagner la lecture commune.
Le chanteur
nous enchante pendant quatre stations, puis descend, la poche un peu plus
lourde de la générosité des mélomanes.
La lecture
reprend. On attaque mon héroïne et je sursaute. Je le sens amusé de lire mes
réactions.
Le métro
ralentit. Il ferme son livre. Le métro s’arrête. Il attrape son sac. Le métro s’ouvre.
Il sort.
Fin de l’acte.
Je me sens
seule.
Il ne s’est
pas retourné.
Tant mieux.
L’anonymat
du lecteur est sa quatrième de couverture : un aperçu suffisant pour l’aimer
ou non.
Merci, ami
lecteur. Et à bientôt, sous un autre visage, dans une autre ville, avec un
autre livre.
Je lirai
encore.
Wouah ... Cet article sonne comme un passage de roman. C'était génial et j'ai beaucoup aimé le lire ! Très poétique aussi. Merci pour ce petit moment de magie. ;)
RépondreSupprimerMerci à toi de l'avoir lu :) je voulais essayer un format différent et je suis contente qu'il t'ai plu !
SupprimerJ'aurais tant aimer qu'il se retourne et que ce visage est un nom !
RépondreSupprimerL'écriture est belle, j'espère pourvoir en lire d'avantage très bientôt ... ;)
Bisous
Crois moi, sur le moment j'avais bien envie qu'il se retourne aussi ;) je suis contente que ça te plaise, je vais continuer dans cette veine alors !
SupprimerBisous !
De passage sur ton blog, je ne peux me retenir de laisser un petit commentaire pour te dire combien j'ai trouvé ton texte touchant...
RépondreSupprimerEt joliment écrit!
Merci à toi de l'avoir lu :)
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